On était dans une bulle durant ce voyage au Brésil et en Guyane à bord de notre van VW aménagé. Au bout de 4 mois en Guyane et 4 mois à parcourir le Brésil il était temps pour nous de rentrer « à la maison ». Cette façon de voyager n’est pas une sinécure, nous le savions avant de partir. Mais au bout de plusieurs mois, nous étions fatigués de rouler, la grossesse de Florence n’aidant surement pas à apprécier ce voyage à sa juste valeur.
Expatriation : faire de la fin du voyage un nouveau départ
Ce qui était pour nous un plaisir sans nom, l’aboutissement d’un rêve les premiers mois était une épreuve au bout de quatre mois : chaque jour nous devions chercher un endroit pour dormir (pour rappel nous avons mis un point d’orgue à dormir uniquement dans notre van, en pleine nature ou chez l’habitant) ou trouver de l’eau pour faire notre toilette et la vaisselle, quoi faire à manger (faire à manger dans un van est déja une épreuve en soi !)…
A Rio de Janeiro, alors que nous en étions au 7éme mois de grossesse et après plus de 15 000km parcouru avec notre T4 Syncro nous n’avions qu’une hâte, retrouver la France. Retrouver nos proches, retrouver un certain confort de vie, retrouver une nourriture saine et variée, avoir un suivi médical décent…
Après plus de 14 heures de vol et une fois les pieds posés en France, l’euphorie de l’arrivée, s’est aussi accompagnée du choc culturel inversé .
Expatriation : faire de la fin du voyage un nouveau départ
Nous étions heureux de retrouver nos proches. Cette fameuse question nous l’attendions et nous la redoutions. Plusieurs d’entre vous nous l’ont posé : « alors c’était comment votre voyage ?« .
Au Brésil, avant notre retour, comme lors d’une répétition, nous nous amusions à deux à faire le jeu des questions/réponses pour ne pas être pris au dépourvu. « C’était cool, c’était plutôt bien ce roadtrip ! » Nous avions tellement de choses à dire, tellement de choses à raconter, mais nous avions peur. Peur de la réaction de nos proches, peur de ne pas être écouté, peur d’être déçu, peur de ne pas être compris, peur de ne pas pouvoir retranscrire fidèlement ce que nous avons vécu. Mais comment résumer une telle aventure en 2 phrases autour d’un verre de Pastis et d’un bol de Curly ?
Nos craintes étaient fondées, « alors c’était comment votre voyage? », « incroyable », « terrible », « les plus beau souvenirs de notre vie », « des gens rencontrés incroyables ». Les qualificatifs nous les avions en tête, nous avons essayé tant bien que mal de raconter ce que nous avions vécu durant cette année en Amérique du Sud. Vainement, ce qui nous a le plus déstabilisé c’est la vitesse à laquelle vos proches ont la capacité à passer à autre chose. C’est notre voyage, notre aventure, c’est vrai, mais l’aventure n’est elle pas plus belle si elle est partagée ? Nous aurions pu en parler pendant des heures, montrer des cours extraits vidéos, des photos argumentées mais nous nous sommes mis des barrières, comme souvent. Alors, lorsqu’on entamait le récit de notre voyage, on évitait volontairement les détails pour écourter la conversation.
On sait à quel point il est facile de partir, mais on imagine pas à quel point il est difficile de revenir.
Une question d’habitude
Puis nous avons repris nos habitudes rapidement, trop rapidement. Plus de question à se poser pour manger, plus de difficulté pour laver et sécher son linge. Nous avons remis nos jeans Levi’s et nos pulls Abercrombie, alors qu’en voyage on était satisfait volontier d’une t-shirt troué et d’un short délavé. Les priorités étaient autres. Nous avons redécouvert avec effroi la télévision et le journal télévisé, que nous n’avions plus regardé depuis plus de 2 ans. Déprimant.
Expatriation : faire de la fin du voyage un nouveau départ
Pourquoi cet article aujourd’hui ? Pourquoi le besoin d’en parler (de l’écrire) presque 8 mois après ? Car c’est le temps je pense que nous avons mis à digérer de cette dépression post-voyage, ce traumatisme culturel. Nous savions que c’était une réalité, mais nous ne savions pas qu’il serait aussi difficile à digérer. Quelques jours après notre retour, je nous revoit allongé sur notre lit à regarder les photos de cette année incroyable. Je revoit aussi Florence, les yeux rouges, me disant qu’elle veut repartir. On sait à quel point il est facile de partir, mais on n’imagine pas à quel point il est difficile de revenir.
Avant de quitter la France nous avions tout vendu, résilier nos contrats d’assurance, nos mutuelles santé, épuré nos comptes de tout prélèvement superflu, résilier nos abonnements téléphoniques. Tout cela ne se fait pas sans mal, y arriver relève même d’une certaine fierté.
Une fois le voyage terminé, dans notre société où le tout sécuritaire prime, il est parfois nécessaire de re-soucrire à plusieurs polices d’assurance, racheter une voiture, louer un appartement… On était vraiment mal à l’aise de tout recommencer à zero, c’est à ce moment qu’un sentiment particulier vous envahie au moment de sortir votre carte bleue.
Notre solution : repartir !
Pour tout vous dire, nous savions que revenir en France en plein hiver aller être difficile. C’est pour cela que nous avions prévu de repartir rapidement vivre à l’ile de la Reunion. Ce petit bout de France au soleil allait être notre sas de décompression. Mais là aussi il était difficile de voir vos proches passer à autre chose et de balancer d’un coup d’un seul l’aventure de notre vie.
- Tenir un blog fut salutaire. Il nous a permis de nous replonger dans le récit de ce roadtrip, de travailler des photos et de monter des videos.
- Avoir des projets est primordial pour ne pas sombrer. Florence était sur le point d’accoucher du « plus gros projet » de notre vie commune. C’est ce qui nous a clairement aidé à garder le cap, avoir une échéance importante proche.
- Nous reprenons nos études, Yohan prépare 2 diplômes universitaires : un en Éthnomédecine et l’autre en médecine Tropicale.
- Nous re-préparons un voyage au long cours. Non non non, on ne va pas laisser notre van au Brésil une année de plus !
- Nous sommes en train de monter le film tiré de ce voyage ! 15 000 km au Brésil raconté en 1h30 et qui est déjà disponible à la vente.
- Nous (essayons) de tenir le blog à jour. Nous n’avons pas terminé les récits de notre voyage au Brésil, forcément avec tout ça on manque un peu de temps.
- On rédige des articles pour la presse spécialisé à retrouver ici et bientôt ici.
- Nous avons retrouvé chacun un poste intéressant (et dieu seul sait que le contexte est tendu à l’ile de la Reunion!). S’investir dans un nouveau poste nous a permis de developper de nouvelles compétences chacun dans nos métiers respectifs.
- Nous sommes devenus « chasseurs de Week-end » pour le label qualité tourisme Ile de la Reunion. Une nouvelle activité pour l’industrie du tourisme qui fait appel à notre créativité.
Voila ce que nous avons mis en place pour essayer de ne pas sombrer dans le quotidien. Pour en avoir discuté avec plusieurs voyageurs au long cours, revenir d’un long voyage n’est simple pour personne.
La panne de voiture de Tante Berthe ou l’élection de François Fillon est plus importante aux yeux de vos proches que votre épopée dans le désert de Jericoacoara ? Savoir que Anais des Anges de la téléréalité va se faire éliminer à cause de sa relation avec Paul Edouard ou apprendre que Kim Kardashian s’est fait braquer ses bijoux est surement plus important pour vos proches que d’écouter le récit de votre traversée du fleuve Amazone ? C’est notre société et il faut s’y préparer.
Vos proches ne comprendront pas ce que vous avez vécue, c’est un fait. Alors ne soyez pas trop dure avec leurs réactions, les seuls personnes à savoir que c’était une aventure incroyable, c’est vous. Uniquement vous et c’est bien là le principal.
Bon retour !
Mon Dieu !
Quelle émotion pour ma part, car au combien je vous comprends !
Mon retour du Pérou a été très difficile aussi … mais après qlq mois très sombres, ça y est, les projets refont surface et un nouveau départ approche.
Merci en tous cas pour ce blog et tous les autres sites et articles que vous faîtes : je vous encourage à continuer !
Pour une nomade célibataire comme moi, ça permet de se sentir moins seule !
Et qui sait, peut être un jours on se rencontrera pour de vrai 😉
A bientôt ici ou ailleurs,
Aurélie
bonjour,
je découvre votre Blog, et les yeux sont humides. car je ressent une incompréhension de l’émotion. mais on fait le voyage il se fait à l’intérieur. quand les tripes se tordent lors du départ, on sait, on réalise que l’on a vécu un moment unique, un moment privilégié.
a bientôt – on the road ou ailleurs…