Le parcours d’Aude, infirmière auxiliaire au Québec

Le parcours d’Aude, infirmière auxiliaire au Québec

 

Aude est une infirmière Française et elle a toujours eu envie de voyager. Alors quand elle a enfin été diplomée, elle s’est expatriée au Québec. Aprés un stage obligatoire de 6 mois pour travailler en tant qu’infirmière au Québec, Aude n’a pas validé cette période probatoire. Ne pouvant exercer comme infirmière, elle choisi de rester paramedical pour exercer en tant qu’infirmière auxiliaire. Quelles différences avec le métier d’infirmière, quel salaire ? C’est à découvrir dans cette interview ! 

Si vous souhaitez en savoir plus sur le travail des IDE au Québec, vous pouvez également relire l’article de « Deux corses au Québec » ou nous rejoindre sur notre groupe Facebook : « infirmiers dans le monde« .

A lire aussi : Travailler comme infirmière aux USA, le parcours de Claire

Le parcours d'Aude, infirmière auxiliaire au Québec
Balade dans Montréal par -30°C

Le parcours d’Aude, infirmière auxiliaire au Québec

Est-ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Aude, j’ai 26 ans, je suis originaire de Carcassonne et j’ai une double citoyenneté : française et canadienne (mes deux parents sont français mais ma mère a émigré vers 20 ans au Canada et elle a pu obtenir sa citoyenneté à l’époque).
J’ai déménagé une douzaine de fois dans ma vie, tous les deux ans ou trois ans, et j’ai passé deux années au Canada (un an à Montréal vers 4 ans et un an à Yellowknife vers 12 ans). J’ai aussi passé quelques années à Lyon où j’y ai fait mes études d’infirmière.
Après un BAC S, j’ai fait un an de médecine où je n’ai pas été reçue et puis j’ai trouvé une autre voie : infirmière ! J’ai redoublé ma troisième année, durant ce laps de temps j’en ai profité pour travailler en tant qu’aide-soignante à domicile afin d’avoir plus d’expérience dans le soin. En juillet 2014, j’ai été diplômée infirmière française.
Depuis fort longtemps mon rêve était : VOYAGER ! Mais tout en travaillant ! Et vu mon parcours, je savais que je ne pourrais pas rester tout le temps au même endroit…
Ainsi, je me suis fixée comme objectif de faire infirmière dans le plus de pays possibles !
Ayant la double citoyenneté, le premier choix était simple : le Québec !
J’ai d’abord travaillé 6 mois à Lyon : j’étais réserviste à l’hôpital militaire Desgenettes de Lyon, (cardiologie et urgences), après avoir suivi une formation de 10 jours dans un camp militaire ; et j’ai également fait de l’intérim, principalement en médecine/chirurgie car c’était les exigences pour le Québec… 75 jours de stage dans l’un ou l’autre de ces services. Je me préparais donc déjà à partir, ayant la double nationalité, je savais que mes démarches seraient grandement simplifiées !

– Comment s’est passé ton expatriation ? et ton recrutement ?

Je suis allée en novembre 2014 au Salon infirmier de Paris et j’ai pris des infos au stand québécois (j’y étais aussi allée l’année précédente). Là, ils ont confirmé que je pouvais directement postuler auprès des hôpitaux du fait de mon statut. J’ai alors contacté les hôpitaux de la province qui m’intéressaient et c’est le CHU de Sherbrooke qui a été le plus prompt à me répondre : j’ai fait un entretien Skype en décembre ils me demandaient d’être là fin janvier 2015 !

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Près de CHUS de la ville en février 2015

– Peux-tu préciser quelles démarches as-tu du faire pour travailler au Canada ?

J’ai tout simplement répondu aux critères demandés dans l’Arrangement pour la Reconnaissance Mutuelle (ARM) France-Québec.
http://www.oiiq.org/admission-a-la-profession/infirmiere-formee-hors-quebec/permis-dexercice/infirmiere-de-la-france-adm

– Combien faut-il avoir de côté d’après toi pour pouvoir partir au Canada et faire face aux premières dépenses ?

Si on ne prend pas en compte les démarches « immigratoires » : je dirais qu’un bon 2000€ n’est pas de trop !
Il y a le logement à trouver, les premiers déplacements sur place quand on n’a rien, le téléphone à acheter, les objets de première nécessité à avoir chez soi si ce n’est pas fourni, avoir une banque sur place, etc.

– Qu’est-ce qui t’a marqué en arrivant là bas ?

J’ai été impressionnée par les moyens du centre hospitalier (locaux propres et bien tenus, très bien organisés, des ordinateurs dans chaque chambre, des couvertures chauffantes pour les patients, des formations interne, une piscine accessible au personnel, un accueil personnalisé, une très bonne ambiance générale, le respect de la personne (comme on voyait en théorie en cours mais jamais en pratique en vrai, ou difficilement à cause du manque de temps sur le terrain), le fait qu’on puisse s’habiller de la couleur qu’on veut (fini le blanc !), et bien d’autres choses. On peut dire « trop d’organisation tue l’organisation » (pauses minutées et prévues à l’avance, etc.) mais je me suis sentie en sécurité en arrivant.
En plus la ville est assez proche de la nature et ne dépasse pas les 130 000 habitants, c’est très agréable ; j’étais ravie d’avoir réalisé mon rêve en venant au Québec !

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Plongée au lac près de Sherbrooke

Par contre, au fur et à mesure du stage de reconnaissance, je suis passée par des phases difficiles, de par certaines différences de travail et aussi par mon manque d’expérience concrète (6 mois post-diplôme en gros). Quoiqu’en fait mon « manque d’expérience » était aussi une force ici, dans le sens où je n’étais pas encore trop conditionnée par le système français et j’ai ainsi très rapidement pris le pli de leurs habitudes sur place. C’est une question de bénéfice-risque !
Lorsque j’ai réussi mon stage, c’étais une réelle fierté, car même si on est aidé, c’est une sacrée adaptation. Il faut en avoir envie et si on travaille bien comme y faut, il n’y a pas de raison de ne pas y arriver.

– Où travailles-tu (état, ville, service) ?

Pour travailler, j’ai du faire reconnaître mon DE au CHU de Sherbrooke et j’ai fait 6 mois et demi en service de médecine (interne / hépato-gastro-entéro / gériatrique) en stage et ensuite en période de probation.
Malheureusement pour moi… la période de probation n’a pas été concluante (manque d’expérience selon eux) et ils ne m’ont pas gardé ! Heureusement, j’ai su rebondir et après deux mois de chômage sur place (!) j’ai trouvé un poste d’infirmière auxiliaire en maison de retraite privée. Je suis en fait très contente car je suis bien plus heureuse là-bas qu’à l’hôpital et même si je ne compte pas rester là encore longtemps, c’est une expérience vraiment enrichissante, qui me fait voir une autre facette des soins au Québec !

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Vue de Sherbooke en été

– Peux-tu nous décrire ton travail d’infirmier auxiliaire en maison de retraite ?

Dans la maison de retraite où je suis c’est assez simple : aucun geste technique et quasiment pas de nursing !
Je fais un quart de nuit assez unique : je commence à 2h du matin et je finis à 12h30. Et cela lundi, mardi, vendredi, samedi et dimanche la première semaine, et puis mercredi et jeudi la deuxième semaine (en gros 70 heures en deux semaines).
La nuit, jusqu’à 6h, je dois préparer mon chariot pour la tournée du lendemain, préparer les fax pour les commandes aux pharmacies, lire le rapport des jours précédents et organiser ma journée en conséquence, préparer mes suivis de la journée et mes suivis tensionnels du jour. Je fais également une tournée de nuit de l’étage où se trouve le bureau infirmier, je dois répondre aux demandes des résidents (je suis seule avec une préposée aux bénéficiaires et trois personnes aux cuisines) et puis à 6h je commence la tournée, glycémies, insulines et distribution des médicaments en chambre et dans la salle à manger.
Puis vers 8h30 l’infirmière de jour arrive et là je pars faire mes suivis personnels des résidents qui en ont besoin ; quand je finis je vois si je peux aider ma collègue, ou bien je signe mes médicaments donnés quotidiennement sur les Feuilles d’Administration Des Médicaments (FADM) (pas d’informatique où je suis) ;
Puis vers 10h30 je repars pour la tournée du midi, glycémies et insuline + distribution des médicaments.
Et vers 11h15 – 11h25 j’ai encore une bonne heure pour aider si besoin, signer mes FADM, répondre aux résidents, etc.
A 12h30, je vais manger en bas car chaque employé a son repas gratuit fourni sur place et je rentre chez moi vers 12h45 – 13h !

– Pourquoi es-tu plus heureuse dans ton poste en maison de retraite qu’à l’hôpital ?

Au CHUS j’allais avoir forcément un poste de nuit dans une équipe volante médecine / chirurgie et ça ne m’intéressait de toute façon pas. Ici je suis certes de nuit mais les horaires sont plus souples et les tâches plus simples, ce qui me fait une petite pause avec le monde hospitalier. C’est temporaire mais ça fait du bien ! Entre mes années d’étude pas faciles et ma première année d’expérience professionnelle, je respire un peu.
Ensuite, je suis une personne extrêmement indépendante et j’aime avoir ma propre autonomie ; là où je suis c’est parfait ! Je peux faire les choses un peu à ma façon et je ne me sens pas observée en permanence comme à l’hôpital, où tu dois faire attention à chaque seconde à ce que tu fais sinon tu risques une remarque ou autre (en France ou ici, peu importe d’ailleurs).
Il y a moins l’accent sur l’hygiène qu’à l’hôpital, c’est un lieu de vie, donc plus il y a plus de souplesse et on rigole bien avec les résidents. L’ambiance globale est bonne, et il y a bien moins de ragots et autres commérages qu’à l’hopital (chose qui m’insupporte au plus haut point).
Bref, je peux être moi-même, c’est proche de chez moi, je suis payée quand même correctement et comme c’est du privé mes employeurs sont accessibles, j’ai des repas gratuits, je suis appréciée pour qui je suis et ce que je fais, je sens que j’ai une place, et à côté j’ai le temps de faire ce que je veux de ma vie !

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Vue depuis le Parlement d’Ottawa



– Quel est ton salaire ?

Dans la maison de retraire privée, je gagne bien moins qu’à l’hôpital : dans les 2350$ nets par mois (soit environ 1550€).

Mais au CHUS j’étais payée environ 28$ de l’heure, ce qui revenait en net par mois à environ 3000$ (soit environ 1950€).

Sachant qu’ici les impôts sont directement prélevés à la source, donc c’est vraiment ça que j’ai gagné !

Particularité : on est payé toutes les deux semaines, les jeudis matins à minuit en général.

– Quel est le coût de la vie (logement, transport, nourriture) ?

J’ai du mal à dire… par exemple :

  • je paye 583$ par mois pour un 4 1/2 (un appartement avec 4 pièces principales et une salle de bains, environ 60m² je dirais), Internet compris (je n’ai pas la TV et n’en veux pas) ;

  • environ 35$ par mois d’électricité,

  • 85$ par mois de téléphone (ici ça coûte cher…!),

  • dans les 200$ par mois de nourriture (ça varie beaucoup).

En gros si on ajoute quelques dépenses de-ci de-là je dirais qu’il faut un bon 1000$ minimum pour toutes les dépenses par mois, pour une personne vivant seule comme moi et sans voiture (je précise).

Car ici la voiture coûte très cher : il faut payer son permis et sa plaque d’immatriculation chaque année, sans compter les pneus d’hiver et les réparations éventuelles. Personnellement j’ai le permis mais je n’ai encore jamais eu de voiture. Après avec les bus, le vélo, mes jambes, les taxis, les amis et surtout le covoiturage, je m’en sors très bien sans.

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– Comment sont les Québecois ? Est-il facile de s’intégrer ?

Au Québec, on dit qu’il y a une mentalité propre au reste du Canada.

Il y a un côté proche des français : la langue assez semblable (des disparités certes mais c’est du français), le côté un peu plaignant parfois, le côté solidarité et social aussi… La culture se rapproche de la culture américaine (malbouffe globale, moins d’efforts possibles, beaucoup de grosses voitures, pas mal de télévision aussi).

Mais ce qui se dégage globalement des québécois, c’est qu’ils sont doux, peu agressifs, préfèrent le dialogue au conflit, assez ouverts quand même et peu portés sur la critique en public. Par contre ils peuvent être « hypocrites » et parfois même un peu « racistes » face aux français, mais cela concerne surtout le Québec rural.

L’image qu’il faut retenir ici c’est qu’il fait bon vivre au Québec et que de toute façon personne n’est parfait ! Ce qui est certain, c’est que je ne retournerai JAMAIS vivre en France.

– En quelle langue communiques-tu avec tes patients ?

Principalement je parle français, parfois en anglais mais c’est très rare et de manière vraiment ponctuelle.



– Qu’apprécies-tu dans la vie que tu mènes au Québec ?

La politesse globale des gens, en voiture notamment, ainsi que leur bonne humeur naturelleLeur spontanéité et leur naïveté aussi (peu de second degré mais j’aime ça !).

J’aime le fait que la ville soit très propre, le système urbain est extrêmement bien organisé, les services de la ville sont excellents, l’information circule plutôt pas mal je trouve et il y a toujours de quoi faire.

J’aime le climat ainsi que le passage des saisons : ça fait une bonne année que je suis là maintenant, j’ai vraiment vu l’hiver, l’automne, l’été, le printemps… c’est vraiment chouette ! La diversité des activités praticables aussi est assez extraordinaire je trouve.

La diversité des services possibles, le fait que pas mal de choses soient simplifiées et plus pratiques au quotidien. Tout ça c’est bien appréciable. Et puis il y a les USA à moins de 1h de route de chez moi, c’est quand même la classe !

– Quels conseils donnerais-tu à un infirmier qui souhaite tenter l’aventure au Canada ?

En premier lieu : bien s’informer sur les démarches et l’ARM France-Québec.

Ensuite : choisir une ville / un CHU qui l’intéresse vraiment.

Et puis : avoir une bonne année d’expérience en médecine / chirurgie, à mon avis. Plus, c’est pas forcément utile dans le sens où il faut désapprendre pas mal de choses… et si on a trop de « vieux » réflexes de la France ce n’est pas bon non plus. Mais ce n’est que mon avis !

Egalement : avoir un ou deux contacts sur place, ça peut aider au début (ici j’ai bénéficié d’un programme d’accueil par le CHUS : « Préférence Estrie » (nom de ma région), ce qui m’a été d’un grand secours car je ne connaissais pas du tout la ville ni le coin)

Ne pas hésiter à parler à ses voisins, demander de l’aide avec le sourire, ils sont toujours prêts à rendre service ! Et ne jamais se moquer d’eux mais au contraire, être honnête, ouvert, à l’écoute et prêt à s’adapter à une toute autre culture…

Et pourquoi pas visionner quelques films / séries québécoises pour se familiariser aux expressions !

Merci Aude de t’être prêtée au jeu de l’interview et de partager ton expérience d’infirmière auxiliaire au Québec. J’espère qu’on suivra ton parcours aux quatre coins du monde comme tu le souhaites.

Si vous avez encore des questions à poser à Aude, n’hésitez pas à lui laisser un commentaire au bas de l’article ou à nous rejoindre sur le groupe Facebook « infirmiers dans le monde ».

 

4 réflexions au sujet de “Le parcours d’Aude, infirmière auxiliaire au Québec”

  1. Bonjour Aude, je m’apprête à venir au Canada avec mon diplôme Ide en poche depuis 2ans et mon pvt. Je voulais savoir, pense tu que passer par le salon infirmiers à Paris est nécessaire pour trouver du boulot ? Ou pouvont nous faire les démarches de nous même et avoir notre chance ?

    Répondre
  2. Bonjour Aude. Je serais diplômée IDE dans 1 ans. J’ai repris mes études sur le tard puisque j’ai 37 ans, mariée et trois enfants. Nous avons le projet de tenter notre chance au Québec. Penses tu que mon âge et ma situation familiale soit un frein?
    Merci pour ta réponse
    Claire

    Répondre
  3. Bonjour Aude,
    Merci pour toutes ses informations…
    Je suis infirmière en France depuis deux ans et je pars vivre à Montréal avec un PVT de deux ans.
    Je suis inscrite à l ordre infirmier au Québec mais je n arrive pas a trouver de travail (du moins le stage de 75 jours…
    J ai eu un entretien au CHUM mais je n ai pas ete prise.
    Si je veux exercer en tant qu’ infirmière auxiliaire peux tu me dire comment ca se passe?
    Faut il que je m inscrive de nouveau à un ordre? Que je fasse un stage?
    Merci d avance pour ton aide !!
    Manon

    Répondre

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