Notre première confrontation à la vaccination a commencé très tôt en Guyane. À vrai dire, elle a commencé bien avant même notre départ ! Pour avoir le droit de poser le pied sur ce département d’outre-mer, nous avons dû nous faire vacciner contre la fièvre jaune. Cette condition sine qua non est à réaliser dans un centre de vaccination international, ils sont au nombre de 212 en France !
En Guyane, nous prenions fréquemment en soin des patients atteints de maladies plus fréquentes qu’en métropole : typhoïde, tuberculose, hépatite, fièvre jaune… Alors nous avons voulu savoir pourquoi ce département français était plus touché par ces maladies. Quels sont les obstacles à l’amélioration de la couverture vaccinale de la population en Guyane ?
Nous aborderons cette problématique sous plusieurs angles pour comprendre les enjeux de la vaccination dans ce département. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Institut Pasteur a un laboratoire de recherche à Cayenne, laboratoire que nous avons eu la chance de visiter lors de notre séjour.
Comprendre les enjeux de la vaccination en Guyane
Le manque d’accès à l’eau potable
Je ne m’attendais pas à trouver une telle situation dans un département français : en Guyane plus de 15% de la population n’a pas accès à une eau potable ! Dans ces quartiers, pour pallier au défaut de raccordement à l’eau potable, les habitants s’approvisionnent en eau au moyen d’eau de pluie, de puits, ou dans les criques et dans le cas le plus difficile, dans les réserves d’eau superficielle (comme l’eau du fleuve Maroni ou l’Oyapoque). Une partie de la population utilise donc de l’eau non potable pour des usages domestiques tels que la boisson, la cuisine ou encore l’hygiène corporelle ce qui peut être problématique.
Sans parler du fait que toute eau stagnante est propice à la prolifération de moustiques, moustiques qui sont vecteurs de la fièvre jaune, la dengue et du paludisme (malaria).
Les vaccins permettent de se protéger d’une partie de ces maladies (notamment de la polio et de la fièvre jaune), encore faut-il être à jour de ses vaccinations (voir le calendrier vaccinal). Pour le reste, il faut encore faire des progrès en terme de prévention et de réhabilitation sanitaire de ces quartiers.
Une géographique unique
La Guyane est le plus grand département français avec une superficie presque égale à celle du Portugal. Elle a deux voisins à proximité : le Brésil et le Suriname. Même si la majorité de la population guyanaise habite le long du littoral, certaines populations amérindiennes et Bushinengués vivent le long des fleuves, parfois à plusieurs jours de pirogues des centres hospitaliers. Le manque d’accès aux soins et l’isolement de cette population sont autant d’obstacles naturels à leur protection. Le suivi vaccinal de ces populations est donc assuré grâce au travail des soignants présents dans les dispensaires isolés (tel que Maripasoula, Saul…).
A cela s’ajoute un autre facteur : la Guyane attire de nombreux ressortissants de pays voisins en quête d’une vie meilleure. Aujourd’hui, les nationalités étrangères représentent 30% de l’ensemble de la population (chiffre Insee de 2007). Lorsque Yohan était infirmier au Centre Hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni (zone transfrontalière du fleuve Maroni avec le Suriname), il a pu constater les difficultés dans le domaine des vaccinations. Notamment, car la Guyane et le Surinam n’ont pas, pour une partie, les mêmes recommandations en ce qui concerne le calendrier vaccinal et n’utilisent pas les mêmes outils de suivis (carnets de vaccination). Un partenariat entre les autorités de santé a été engagé afin de renforcer les connaissances et d’harmoniser les pratiques en matière de vaccination.
De l’autre côté, au Sud, le fleuve Oyapoque marque la frontière avec son immense voisin le Brésil. Là bas aussi des différences existent en terme de vaccination. Contrairement à son voisin brésilien, en Guyane (comme dans le reste du territoire français), la vaccination contre la diphtérie est obligatoire. Grâce à cela les épidémies de Diphtérie qui touchent encore son voisin le Brésil n’atteignent pas la population guyanaise comme le démontre la carte ci-dessous.
La situation préoccupante des pays avoisinants et la présence de facteurs de risques tels que l’infection à VIH-Sida, la drépanocytose et les carences d’accès à l’eau potable renforcent l’intérêt d’une prévention par la vaccination.
Guyane et fièvre jaune
(Une version modifiée du Règlement Sanitaire International (RSI) de l’OMS entrera en vigueur en juin 2016 et actera que les certificats internationaux de vaccination contre la fièvre jaune sont valides durant toute la vie d’une personne).
La dengue et le paludisme sont de réels problèmes de santé publique malgré près de 65 ans d’efforts de lutte antivectorielle et de prévention. Depuis 2015 un vaccin contre la dengue existe mais il n’est pas encore reçu d’AMM (autorisation de mise sur le marché) en France. l’heure actuelle, la prévention de la dengue repose sur la sensibilisation et la mobilisation de l’ensemble de la population.
Cet article a été réalisé et relu dans le cadre de l’information des professionnels de santé sur la vaccination par Santé Publique France (ancien INPES).